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L’égalité est le deuxième principe fondateur de la République Française. Pour peu que l’on y porte intérêt ou que l’on s’en souvienne, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 précise « Tous les hommes sont égaux par nature et devant la loi ». Cela signifie que la loi est la même pour tous, au-delà de la naissance, de la situation sociale ou d’un quelconque privilège. L’égalité, comme la liberté et la fraternité, une valeur incontournable de notre Société, son patrimoine génétique en quelque sorte… Force est de le constater : notre ADN est en mutation !

Jamais la corruption n’aura été si forte qu’aujourd’hui. Depuis le règne de Mitterrand, jusqu’à celui de Sarkozy, aujourd’hui Macron, le Président de la République s’affiche comme un roi avec sa cour d’intrigants et de courtisans distribuant bon et mauvais points, favorisant des réseaux d’intérêts aux ordres, prodiguant ses faveurs ou ses foudres selon ses humeurs. Dans les coulisses du pouvoir, bien public et intérêt général n’ont plus grand-chose à faire. Dans cet univers, la délinquance en col blanc est devenue un fléau.

Le mal est profond. Ministères, partis politiques, magistrature, Chambres de Commerces et d’Industrie, mairies, la corruption est partout. Des filières d’influences gafamienne  ou mafieuses, des lobbies opaques assurent les bonnes fins d’opérations en empochant des pourcentages conséquents sur les affaires traitées. Les passations de marchés occultes, les dessous de table, des financements illégaux, des appels d’offre bidonnés, des comptes numérotés qui fleurissent dans les paradis fiscaux inexpugnables, sociétés écran bidon, voilà le spectacle qui s’étend aux plus hautes sphères de l’État. La délinquance en col blanc se développe autour de ces réseaux invisibles, ces pieuvres assassines où le renvoi d’ascenseur est le principe de base, où mouiller un maximum de monde est le plus sûr moyen de noyer le poisson et diluer ainsi toute responsabilité. Le conflit d’intérêts est la vérole de la République.

Les affaires s’empilent sans que la justice passe. Les scandales s’enchaînent comme des feuilletons, les millions se détournant sous nos yeux. Des fortunes se construisent sur le dos d’une France d’en bas qui encaisse, ne bronche pas, et assiste médusée à l’insolence et au mépris de ces délinquants aux sourires carnassiers. Des procédures entachées, freinées. Des décisions qui ne débouchent sur rien ou sur des non-lieux vide de sens. Même pris la main dans le sac, le col blanc nie en bloc et s’en sort au bout d’une procédure sans fin. Au pire, le risque est minime : quelques mois de prisons, une amende, une inéligibilité. Face à l’appât du gain, les millions en jeu, une broutille… Chacun sait qu’avec un bon avocat, la liberté n’est jamais très loin pour le col blanc. Le jeu doit en valoir la chandelle puisque la liste de ceux qui se laisse tenter, à droite comme à gauche, s’allonge sans cesse. Comment ne pas les comprendre ? Si cette opportunité était offerte à chacun d’entre nous, combien refuserait la perspective d’un joli pactole, d’une retraite dorée pour au maximum quelques mois de prison ?

Du côté des gueux, on enferme des jeunes à tour de bras, on multiplie les garde-à-vue pour pas grand-chose, on stigmatise le pauvre comme fauteur de trouble, on ghettoïse les banlieues, on se saisit des personnes, on saisit des familles pour un oui ou pour un non, on accepte que nos prisons soient des lieux flagrants d’inhumanité et d’injustice, on fait de l’outrage, du mépris et de la menace une raison d’être. Les comparutions immédiates sont l’apanage du faible. Une justice pour les riches, une pour les pauvres, un traitement de faveur pour les uns, une répression aveugle pour les autres, telle est aujourd’hui l’équation navrante par notre république Française. L’égalité n’est plus qu’un prétexte, un mot, un faire-valoir au service des cols blancs… En toute impunité, ces derniers se sentent renforcés par les démissions successives de la société. Démission du citoyen, devenu consommateur, qui se sent impuissant avec le sentiment d’assister à un mauvais spectacle, mais également démission de nos élus n’ayant plus conscience de la frontière entre privé et public et jouant avec le feu des petits arrangements entre amis…

Le problème est connu et identifié. On s’étonne du peu d’empressement montré par nos élus de mettre à mal ces pratiques crapuleuses. Ne pas y faire face lance la suspicion sur nos élus. « Tous des pourris ». Qui n’a pas entendu ce constat ? Qu’on le veuille ou non, les représentants du peuple, pour peu qu’ils ne soient pas totalement dévoyés, complices ou instigateurs, ont les moyens d’endiguer considérablement cette épidémie d’une manière assez simple, tout simplement en légiférant sur une requalification du délit et de faire en sorte que celui-ci soit passible d’assises au lieu de correctionnelle.

La différence est de taille. L’escroc en col blanc ne risque plus cinq ans au grand maximum, mais perpète. Cela change la donne… qui sera prêt à risquer 30 ans de prison, même pour un compte numéroté avec plein de zéros ? En sanctionner lourdement, en déférant ces délinquants bon chic bon genre devant une cour d’assises, il est fort à parier que les postulants à d’éventuelles malversations y regarderaient à deux fois…

Cela est possible. Nos élus ont les moyens de légiférer. Une décision collective de l’Assemblée est la simple addition des responsabilités individuelles de nos députés. Visiblement, nos élus ont oublié ce principe simple pour accepter les choix imposés par quelques-uns. On imagine sans peine, en coulisse, les multiples interventions des groupes de pression occultes. La requalification d’un délit est possible. Encore faut-il que la volonté politique soit là, ce qui ne semble pas le cas. Présenter un extrait de casier judiciaire vierge pour être fonctionnaire, mais pas pour être un élu du peuple cela fait désordre.

La religion de l’argent s’établit au mépris des plus élémentaires règles de civisme et d’honnêteté. En nous faisant croire que l’argent est une finalité, pas un moyen, en martelant que le bonheur est dans la consommation et la matérialité, en affichant sans pudeur des univers de paillettes, nos représentants se fourvoient collectivement, affirmant souvent paradoxalement, individuellement, le désir d’en finir avec des pratiques inacceptables. À l’acte représentant du peuple ! Au-delà des mots, l’exemple ! C’est cet exemple qu’attendent les millions de salariés pressés comme des citrons, dupés par une justice et une croissance qui ne profitent qu’à une poignée. Renvoyons les délinquants en cols blancs aux assises !

La répression est une arme majeure dans les sociétés occidentales. On sait en user et en abuser au besoin, surtout auprès des gueux. Pourquoi cette même répression ne s’applique-t-elle pas à ces délinquants en cols blancs ? Dans notre hypocrisie consumériste, jusqu’où ira la collaboration des institutions républicaines ? Où est le bien public à l’heure où les lobbies bruxellois des multinationales arrosent copieusement les élus ? Où est le sentiment d’égalité quand le bâton est au manant ce que la carotte est au puissant ?

La logique ultralibérale, emportée par ses excès, inféodée à la toute-puissance de l’argent, persuadée de la suprématie du plus fort sur le plus faible, prétend faire sauter tous les verrous, enterrer les valeurs républicaines et citoyennes. Nous sommes loin du principe d’égalité sur lequel s’est bâtie notre société. Quand le droit et la loi sont bafoués ouvertement et sans vergogne, on doit s’interroger. Pendant que les riches s’enrichissent, les gueux se meurent. Un équilibre précaire s’opère, pour un temps, en prenant à ceux qui n’ont pas beaucoup, les fameuses classes moyennes, pour donner à ceux qui n’ont rien du tout. Après, le règne du chacun pour soi rêvé par le Nouvel Ordre Mondial ouvrira la porte à tous les abus et la délinquance en col blanc apparaîtra peut-être comme une aimable plaisanterie…  L’égalité est devenue une idée loin des réalités.

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